Les cloches sont arrivées
En revenant de la gare, Annie a prononcé une formule magique qui a relégué bien loin toutes les avanies du voyage :
"LES CLOCHES SONT ARRIVEES !!!"
Dans ce temps-là, en effet, les Cloches rentraient de ROME le Samedi Saint à la fin de l’Office et le Carême prenait fin officiellement à midi.
La Vigile Pascale n’existait pas encore, le Petit Jésus n’arrivait à faire sortir les bons chrétiens de leur lit que pour la messe de minuit, le soir de NOEL.
Mais, rigoureuse dans les préceptes religieux, notre époque l’était aussi pour les réjouissances gastronomiques qui accompagnaient les fêtes.
Le Samedi Saint, on avait tout juste le droit de "VOIR" le paquet de Jacques Valude ; mais il fallait attendre le lendemain matin, au retour de la messe de Pâques pour pouvoir enfin "GOUTER" et se rendre compte qu’une fois de plus "IL" était le Magicien qui avait le pouvoir de mettre à notre portée un de ces Oeufs de Pâques que l’on voyait dans les grandes confiseries.
Sans lui on n’aurait jamais osé espérer avoir un jour une telle splendeur !
Le plus "gros" dans ma mémoire, c’est une poule blanche en sucre candi, presque aussi grande que nature. Elle était pleine de petits poussins, noix fourrées, oeufs en tous genres. Et fallait-il qu’il y en eût, puisque cela durait tout le temps des vacances. Le sucre de la poule était si épais qu’il avait fallu le casser au marteau pour pouvoir grignoter les petits morceaux !...
Mais cela c’était le cadeau collectif, pour tout le monde...
Tante Bellèle, elle, nous régalait et nous comblait avec une distribution que nous attendions avec grande impatience.
Le Limousin, pays de tradition, avait l’habitude des Rameaux Garnis, que les enfants apportaient à l’Eglise le jour des Rameaux pour les faire bénir.
J’ai toujours eu du mal à penser qu’ils pouvaient respecter le Carême au point de ne pas grapiller un petit quelque chose, au moins pendant l’Evangile si long ce jour-là...
Une année, tante Bellèle avait donc reconstitué pour nous, l’aspect réel de ces rameaux et j’ai souvenir du salon de Grand-mère décoré de ces petits arbustes ronds accrochés aux dossiers des fauteuils.
Et c’était une débauche de meringues cuites en guirlande autour d’une ficelle, des chapelets en sucre remplis de liqueur à la fleur d’oranger, des chaînes dont les anneaux creux étaient pleins aussi de cette même liqueur.
La dégustation de ces merveilles n’allait pas sans problème, car inmanquablement, dès qu’on y portait la dent, le jus se répandait par la cassure et tout se poissait : les lèvres, les doigts et parfois aussi la robe.
Les autres années, tante Bellèle se contentait de nous faire le partage et chacune repartait avec son trésor rangé dans un carton de pâtissier.
On cachait son butin dans un rayon de l’armoire et on faisait de furtives allées et venues dans les chambres, pour qu’on ne nous voit pas manger trop souvent nos bonbons.
Quel temps heureux où on se laissait gâter si facilement !...
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